poematique expiraTOIre
petite histoire de femme qui me vient ce matin. femme mère. elle portait un enfant. mal sans doute car il est tombé un petit matin dans l'écuelle d'un docteur dans l'hôpital des frais fantômes. son homme ne l'avait pas accompagnée pour cet enterrement de petite classe et c'est seule qu'elle prit le chemin du retour. on aurait dit qu'elle avait juste perdu un peu de son, poupée fantoche, marionnette de ce quotidien indifférent à tout et aussi à l'amour.
c'était une fille, avait dit le blouseux. une fille... tiens un peu comme elle, avait-elle songé. comme si elle avait perdu sa propre image et que cela n'avait eu aucune importance réelle. on emballa tout dans un petit torchon de papier et d'étoupe et l'on jeta un gros morceau de son âme dans le container des pertes de vie.
très loin plus tard . l'enfant remonta de ses limbes- pourquoi les limbes faut-il les imaginer dans un sous ciel?- avec un désir étrange de lui donner forme et de sauver cette âme de l'oubli, la femme proposa à un artiste qu'elle aimait d'en faire un portrait imaginaire. le peintre choisi pour son intuition et la beauté aussi de son travail accepta le défi et des paiements anticipés. cela dura une année. chaque mois la femme versait son quota et vint donc le jour où le tableau devait être achevé et qu'elle allait pouvoir le découvrir.
le peintre ne répondait à aucune de ses demandes pour entrer en possession de l'oeuvre. elle se dit que bon il allait devoir lui rendre cet argent et qu'elle chercherait un autre artiste. cela fit bouger aussitôt le diable et il invita la femme à son atelier.
cet endroit empli de la magie des ateliers tels qu'on peut les rêver contenait de nombreux tableaux. le peintre avait dressé sur un chevalet un portrait très grand magnifique. une femme de 20 ans au visage clair pur et beau... l'émotion gagnait le coeur de la maman de pacotille. voilà donc sa fille telle qu'elle avait bien voulu revenir pour la consoler de cette vie foutue sans importance...le peintre était fier. elle voyait sur son visage le plaisir qu'il avait à décrire son travail .et puis il lâcha quelques nouveaux mots et la mère comprit qu'il lui montrait ce qu'une femme devait être pour le toucher. ..
et ensuite, sentant qu'il avait bien préparé sa mise en scène, soudain il l'entraîna vers le fond du local.
un petit format de 40 sur 50cm était posé sur un chevalet avec un linge dessus. belle mise en place
- ta fille est là dessous. découvre.
elle tira le linge-linceul d'un coup. dans un cadre horrible doré baroque, une femme, qui n'avait rien d'une femme ayant pu exister, faite dans des couleurs criardes et laides et très loin du style habituel de l'artiste. le coeur se mit aussitôt en fausse couche.
le tableau n'était pas sec, jeté sans doute dans la vie comme sa fille avait été jeté dans la mort.
il y avait une sorte de cruauté malfaisante dans l'oeil du peintre.
elle prit son tableau sous le bras et remontant dans le froid et la nuit vers chez elle, elle refit ce soir-là le trajet fait 20 ans plutôt , évidée de la vie et porteuse de mort.