manifeste

campagne. platitude sereine. tout autour. c'est du champ, de la bestiole, du courant d'air. je trône dans le nulle part, le désert, couleurs maïs ou terre fraîche. je me retourne, je cherche. en vain. pas de clochards, pas de bandes, de groupes menaçants. pas de café, de terrasse, de passantes. pas de bruit, pas de taxis. mes mains ne soulèvent aucune chaîne. je ne me bats contre rien et pas d'imprécations non plus.

je réside sur une aire de transparence, îlienne dans la soupe ordinaire...ou alors dans un effacement du monde à la gomme, qui fait surgir d'épaisses traces de silences et de convenances, l'étoupe des aquarellistes.

je ne ressens rien, je suis vernie, imperméabilisée, en cellophane aseptique. je suis bâillonnée de vertus,- à qui présenter mes saletés?-, de self-contrôle, de laques glacées,"engilée"  de bouées, droite au piquet.

si j'ouvre les bras, c'est à mes courants d'air.

mon cri me fait à peine décoller. 

ma nuit n'est pas sertie de putains, de grandes folles, de seringues vénéneuses. je ne pleure pas au coude d'un vieux bar plein de sueurs.

je n'ai personne à qui faire le poing. pas de révolution qui me fasse un combat personnel.

je ne ronge pas de containers, de charniers, de champignons d'atomes.

je suis rase des émois du monde. comme on m'a tondue des amours illicites.

me restent un esclandre de feuillage, un tourbillon dans les gouttes, le spectacle assommant de l'aube et du crépuscule,  l'épouvante d'un noir de froc et de gala où mouiller mes rêves sur le drap... mes éléments.

ce sont mes évidences, mes uniques. sûr que je ne vais pas m'inventer une autre désespérance, sortie droit du bidon, pourquoi ? pour me faire une écriture?  non.  

mais j 'habite une vie dont vous ne voudriez pas, une vie d'épouvantail et de chieries d'oiseaux. c'est la mienne  c'est elle qui suinte, la seule que je peux