poematique expiraTOIre
c'était un enfant, mais jamais je ne le crus. il semblait porter quelque chose qui venait de très loin et qui aurait été trop lourd pour des bras d'enfant. comme un être bien trop grand pour sa tunique de chairs. comme un génie rétréci dans une lampe d'os et de sang.
c'était un enfant. moi aussi. je n'avais rien des autres vies que j'avais traversées. j'étais innocence, une petite, avec des yeux buveurs de flaques et de rivière.
assis sur l'escalier de l'école, cet enfant, que je considérais avec une attention de mendiante, vêtu de drap vert, d'un ceinturon, d'un casque étrange et de balles partout sur sa ceinture, cet enfant, que je regardais comme un miracle retrouvé, au repos d'une guerre inventée, imaginée dramatique, au regard cerclé d'or et qui me regardait lui aussi, moi petite fille, découvrant dans ses yeux l'orage de mon coeur, découvrant dans ses yeux, l'intensité immédiate de vivre.
je cherchais aussitôt quelque chose à faire, un cadeau qui me permette de l'approcher. une pomme rouge belle, pomme paradisiaque sans le savoir et je vins comme ça, tendant ce présent et avec lui sans doute des milliers de nos passés, jusqu'à ses genoux.
nos yeux ne se sont pas lâchés un instant. il était assis là parce que c'était une trêve dans la petite guerre, les bruits de balles à blanc, des chars et les ordres fusant. un enfant comme moi, vingt ans peut-être et moi à peine six. il me prit dans ses bras et m'assit sur ses genoux, me chuchota son rire heureux.
je blottis ma tête dans son cou.
il partit, me laissant une griffe sur la mémoire.