journal 103

je regarde l'étang, je suis cet étang. un lac a-t-il dit un jour. petit lac alors, fluide et dont le fond ne serait pas connu. je viens là j'écarte les branches, les herbes, ces restes de l'hiver qui sont secs, gris,  à brûler pour en revenir à la naissance .

les mots dedans sont descendus très bas. dans la vase jamais touchée et ce calme souverain qui fait que rien ne remonte. je ne trouve plus le courant  quand un fleuve peut-être s'était pris du désir de m'engloutir. des milliers d'alevins, des milliers de têtards, une profusion de vie et d'écailles en couleurs. je suis comme un animal un sauvage premier, tournant autour de ce calme geyser, s'attendant peut-être à y trouver des flammes et y cueillir des étincelles.

mais l'étang est un acier lisse, sur lequel je ne distingue aucune faille. aucune onde aucun clapotis.

je suis loin de moi, en dehors de moi, dans un espace nu, dans lequel je crois être égarée, un rêve, une perte non identifiée. c'est une zone de turbulences plutoniennes, lentes, profondes. mes particules font des décalages troubles. je me regarde dans la tranche du miroir. c'est moi et puis non...