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poematique expiraTOIre

couleurs

maison2-avry.jpg

 

quand mon père vivait ici, la maison était d'une tristesse assez monumentale.il avait pris soin de respirer dans une forme d'apathie qui avait fini par rendre sa demeure irrespirable justement. on y entrait, étouffé aussitôt par une sorte d'odeur prenante, une odeur dont personne n'aurait jamais pu en déterminer la source. il y avait des toiles d'araignées, de la poussière incrustée, un mélange innommable de trucs plantés dans les murs, allant de l'indulgence papale à un "fous-y-tout" de photos vieillies censées toutes, -chargées même  faudrait-il dire-, de rappeler ma mère morte il y a belle lurette.

mon père, vieillard inspiré, aux idées assez rebelles et très anti tout, considérait que le coup de patte que donnaient ses patins en laine écossaise sur le sol était naturellement suffisant à lui faire du ménage. j'entrais là avec à la fois une sorte de crainte de son humeur qu'il avait souvent mauvaise et une autre très différente de rester enfermée ici pendant plus d'une heure. je fuyais à chaque départ.

 

mon père m'aimait assurément, d'un amour très intellectuel. il semblait être débranché depuis longtemps côté coeur. personne dans la famille n'aurait pu dire qu'il se sentait aimé de lui. mon père réfléchissait sans doute trop. il avait alors accumulé beaucoup de déceptions face à nous ses enfants  et  face à moi aussi. il quitta la vie en me priant de prendre soin de cette baraque, sise dans un endroit cossu, bourgeois fortunés  en réalité. bizarre chose que le destin post mortem de l'amour filial. j'avais toujours tiré le diable par la queue et me voilà pour la simple raison qu'il m'avait mise en vie propriétaire!  quand il avait acquis ce bien, il n'y avait encore pratiquement personne dans le voisinage, sauf un pasteur et sa femme, pour faire cour et jardin. je savais en acceptant ce monstrueux cadeau,  qu'il y aurait de quoi ramer pour en faire un lieu dans lequel respirer, selon moi.

la maison a changé.  bleu orange jaune violine rose intense. le jardin est empli de fleurs et de légumes mirobolants. il y a un chat rond comme un tromblon et des toupines au balcon. l'air est venu, tranquille et doux, chasser le passé et ses odeurs d'espadrilles. je vis là polychrome. parfois des gens entrent chez moi et me disent que tout cela me ressemble, que c'est léger et chaleureux.

je me suis toujours imaginée être la personne la plus ennuyeuse de mon entourage. pourtant  mon extérieur est vif, et même vivant. il y a de la couleur qui entre, qui sort, comme le chat par-dessous les fenêtres. oui ce doit être moi, puisque pour la première fois de ma vie  j'organise l'espace tel qu'il puisse me faire un nid.

 

pourtant, il reste toujours en moi, une peur étouffante intime et terrifiante. comme si on m'avait perdue dans une jungle obscure. comme si je marchais à l'aveugle dans un profond cauchemar. je fais appel, j'appelle. mais dans ce noir  où n'existe plus aucune couleur, je ne sais plus ni qui je suis, ni personne trouver

  jardino

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J
<br /> LA BELLE LURETTE merveilleux livre d'Henri Calet, mon père, merveilleux sans mots, trop tard<br />
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A
<br /> <br /> oui je pense que tu as de sacrées belles racines<br /> <br /> <br /> ai complété le texte car la fin avait disparu en la mettant en ligne..c'est important  la fin...,-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />